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CRÉATEUR

ALEXIS MABILLE signe « Interior Games »

Reconnu pour son art du vêtement, Alexis Mabille dévoile une nouvelle facette de son univers créatif : la décoration d’intérieur.
Par Joséphine Duncan

Passé chez les plus grands couturiers avant de faire une entrée fracassante dans le cercle très fermé de la Haute Couture en lançant sa propre marque, Alexis Mabille se passionne aussi dès son plus jeune âge pour la décoration qu’il découvre auprès des architectes et décorateurs de sa famille, et qu’il cultive en multipliant les expériences et réalisations. Une collection d’images et d’expériences vécues, à la fois contrastées et convergentes, ont ainsi forgé sa sensibilité. Le designer laisse libre cours à ses intuitions, aime jouer avec les styles. Au travers de ses plaisirs et de ses passions, Alexis Mabille nous ouvre son univers.

Le beau et le nécessaire

Dès son plus jeune âge, il se plaît à assembler, à transformer les tissus, les couleurs, les matières, afin de donner vie à son imaginaire. Il confirme sa vocation en suivant les cours de l’Ecole de la Chambre Syndicale de la Couture : il habillera le corps des femmes. Après des collaborations trépidantes avec John Galliano et Hedi Slimane pour Christian Dior, puis la maison Yves Saint Laurent, il crée en 2005 sa marque. Au fil des collections, son sens des matières, des couleurs et des structures le guide naturellement vers la décoration, la création de mobilier et d’objets décoratifs. Dans son premier appartement rue Saint-Roch, Alexis Mabille éprouve l’envie de collectionner, de chiner, de composer un lieu de vie à son image. L’architecture intérieure émane d’une volonté singulière d’adaptation de l’art à la vie, une incarnation du beau et du nécessaire. L ‘esprit viennois du début du XXe siècle, comme le radicalisme et l’audace du Bauhaus forcent son admiration. Il aime le trait et l’élégance du mouvement moderne incarné par Pierre Chareau ou Robert Mallet Stevens, ainsi que la liberté du grand décorateur Jean-Michel Frank « qui meuble en démeublant ». Sa rêverie se nourrit également des jeux créatifs du mouvement surréaliste, du parcours « néo-classique » d’Emilio Terry ou encore de Serge Roche. En 2019, il est ainsi invité à aménager divers lieux privés et publics tels que le Frou-Frou, restaurant du Théâtre Edouard VII ou le Bœuf sur le toit, revisite ensuite la Maison de la Truffe, conçoit la décoration du restaurant Cipriani à Saint Tropez… et interprètera prochainement les codes de l’incontournable Caviar Kaspia à Los Angeles.

La collection Interior Games

De l’enveloppe à l’objet, il souhaite désormais partager sa quête et sa logique. Alexis Mabille est préoccupé par la composition dans l’espace domestique, il cherche la justesse et la lisibilité, la création de son mobilier y participe. « Interior Games » est ainsi le titre de sa première collection. Il fait d’abord réaliser une série d’assises dans la tradition des arts décoratifs de la Haute-Époque et décide d’utiliser pour la garniture du velours et des tapisseries chinées,
tissées au petit point. Les volumes sont soulignés par un liseré de clous. La collection comporte plusieurs modèles, à trois coussins, à cinq coussins, ainsi qu’une banquette. Les œuvres tissées utilisées représentent le Tarot de Marseille, un jeu de cartes divinatoires, illustrées par Assia Granatouroff (1911-1982). Alexis Mabille conçoit également une sellette haute, une sellette basse et une table basse en marbre, de nouveau ponctuées d’une ligne de clous de tapissier.

Le clou est le fil conducteur de cette première collection, il est le vecteur de l’improbable rencontre entre la chaleur de la tapisserie et la dureté du bloc minéral. « L’objet propose à la fois de la rigueur et de la fragilité », explique celui qui aime aussi travailler le marbre. Sa première création dans cette matière a été une table basse, linéaire, conçue pour son appartement, une grande surface minérale. Une collaboration avec Jacob Delafon lui a ensuite donné l’occasion de poursuivre l’exploration des qualités de ce matériau pour créer une salle de bains en Calacatta. Ce matériau antique souligne la modénature en architecture à l’époque romaine. Il est ici pensé comme matière d’une construction. Pour cette collection, il choisit un marbre polychrome rare, le « Quatre saisons », dont chaque bloc propose un paysage différent. Ces typologies de mobilier, qui occupaient une place importante dans l’histoire des arts décoratifs viennent donc en complément des assises. Une dernière pièce est une table modulable aussi architecturale que ludique. Le clou, signature de cette collection, se mue ici en postulat créatif. Plus de 28.000 pointes en laiton patiné bronze habillent une structure en hêtre teinté ébène.

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