Lieu de rêverie et de contemplation, cette construction à l’architecture singulière offre un seul espace où toutes les fonctions domestiques se rencontrent sans murs de séparation.
Par Margaux Brémond
Lorsque l’Atelier Branco, Matteo Arnone et Pep Pons ont été contactés pour concevoir une « retraite en pleine nature, le cahier des charges était simple : concevoir un refuge reposant immergé dans la végétation pour lire et réfléchir. Il ne s’agissait pas d’une résidence secondaire au sens classique du terme, mais d’un lieu de rêverie et de contemplation, parfois de travail, à l’écart de l’agitation de la ville. Imaginée et construite par le duo italo-hispanique, cette maison-bibliothèque incarne ainsi une recherche active d’une forme architecturale singulière à laquelle s’ajoute le souci du détail. Ce projet audacieux, presque entièrement réalisé en béton coulé sur place, est une réussite !
Plate-forme d’observation
La maison repose sur une colline dont elle utilise la pente pour créer un espace unique sur trois niveaux qui, au fur et à mesure de la descente, deviennent presque invisibles depuis la route qui borde la maison au sommet. À cet endroit, l’ouvrage présente une plate-forme monumentale en béton armé : 20 mètres de long pour 10 mètres de large et seulement 15 centimètres d’épaisseur qui s’élancent dans le vide. Cette magnifique terrasse panoramique (formellement épurée et sans parapet étant donné qu’elle est entourée par un bassin d’eau d’un mètre de large) constitue en réalité la toiture de la maison, soutenue par huit piliers minces et très simples. Le grand espace unique ainsi créé en dessous, vitré sur toute sa hauteur sur trois côtés et agrémenté de menuiseries en fer ainsi que d’une composition décorative raffinée, évoque le monde des serres ou des pavillons dans les parcs urbains. La symbiose avec la végétation est totale et la nature, en pénétrant indirectement à l’intérieur de l’espace humain, l’isole et le protège également du soleil, contribuant ainsi à concrétiser l’idée initiale de refuge pour la lecture.
Trois zones adaptées
L’espace unitaire s’articule sur trois niveaux : trois terrasses grandes ouvertes sur le vide qui offrent une perspective insolite sur la forêt et qui transforment la maison en amphithéâtre. L’entrée à l’intérieur de la maison se fait depuis le sommet de la colline via un étroit escalier en béton. Ce dernier dessine l’axe principal de l’habitation et se poursuit jusqu’à l’extrémité opposée où l’on trouve une porte vitrée donnant accès au jardin. Dehors, le parcours se poursuit sur le côté de la maison en remontant vers le sommet et en fermant le périmètre architectural. Le rectangle parfait du plan est divisé en trois étages identiques comprenant huit piliers espacés de 5,5 mètres dans le sens de la longueur et disposés en miroir par rapport à l’axe de l’escalier. La hauteur des étages varie : 2,35 mètres – la plus petite – à proximité de l’entrée (où l’on trouve une chambre par côté dans un espace plus intime), puis l’espace central accueillant les espaces d’étude et de lecture, et enfin la plus grande, plus de 5 mètres, pour la cuisine et le salon. Au niveau de l’axe transversal, au deuxième étage, deux portes ouvrent un autre accès sur l’extérieur. Les espaces à vivre bénéficient d’une lumière pleine mais indirecte étant donné que la maison est exposée au nord et qu’elle est entourée de végétation.
Une grandeur « rudimentaire »
La plate-forme de la toiture se greffe dans le terrain au sommet de la colline par le biais d’un volume en béton coulé en place comme les autres structures mais complètement fermé sur lui-même, c’est-à-dire sans fenêtres à l’exception des lucarnes, pour une totale intimité. C’est ici qu’ont été encastrées les deux salles de bains où tous les éléments sont entièrement réalisés en béton coulé sur place. On retrouve également la technique d’encastrement dans la cuisine ouverte où les meubles de rangement sont cachés dans les murs en béton, mais aussi dans l’espace nuit avec les armoires… de façon à ne pas altérer le rythme géométrique du plan. Cet agencement singulier est souligné par l’emplacement des escaliers intérieurs et extérieurs, les premiers traversant les espaces de vie le long d’un axe central, les seconds formant une boucle symétrique autour de la maison sous un chemin couvert et pavé de béton. Pour autant, l’élément le plus significatif du projet, celui qui apporte une « grandeur quelque peu rudimentaire », est sans conteste la sélection et le traitement des matériaux utilisés par Matteo Arnone et Pep Pons. La structure nue est entièrement réalisée en béton armé et a été coulée en une seule journée. Les sols sont revêtus d’un parquet aux lames longues et fines en bois de Garapeira placées perpendiculairement par rapport à l’axe longitudinal du projet. Enfin, le bâti est presque entièrement vitré, avec un profilage en fer aux motifs iconiques des années cinquante. Avec ses belles menuiseries, cette maison-bibliothèque trouve ainsi sa place dans la riche tradition de pavillons de verre qui, depuis l’aube du XXe siècle, s’affirment incontestablement comme des lieux privilégiés d’expérimentation architecturale.